Désastre écologique de la mer d’Aral, la dernière chance

L’assèchement de la mer d’Aral est l’exemple parfait de la prépondérance de l’économie sur de la préservation de l’environnement. Et de la stupidité des autorités bolcheviques et des économistes soviétiques n’a laissé aucune chance à la survie de cette mer intérieure. Le détournement de l’Amou-Daria et du Syr-Daria pour irriguer la culture du coton a grandement participé à son assèchement. Dès 1960, la mer d’Aral avait déjà perdu 75 % de sa superficie, le niveau de l’eau baissant de 20 à 60 cm par an. Retour sur cette énorme catastrophe écologique.

L'assèchement de la mer d'aval

À cheval entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, c’était l’une des plus vastes mers intérieures du globe. Depuis 35 ans, elle n’a pas cessé de se rétrécir. Récit de l’une des catastrophes environnementales les plus terribles du XXe siècle.

« Voici à quoi ressemble la fin du monde, lance Youssoup Kamalov avec un grand geste en direction du désert couvert de broussailles. Si l’Apocalypse arrive un jour, les habitants de la Karakalpakie seront les seuls à y survivre, car nous l’avons déjà vécue. »

Nous sommes dans le nord de l’Ouzbékistan. Le panorama évoque n’importe quel désert. Avec une différence : des monticules de coquillages marins et une demi-douzaine de chalutiers rouillés, échoués dans le sable. Ici, l’extrémité d’une péninsule se jetait naguère dans la mer d’Aral, qui était la quatrième mer intérieure du monde avec ses quelque 66 000 km2 (plus de deux fois la Belgique). Derrière nous s’étend la petite ville de Mouïnak. Dans les années 1980, sa conserverie traitait des milliers de tonnes de poissons par an. Voilà à peine un demi-siècle, le littoral de l’Aral se serait étalé à nos pieds. Il se trouve désormais à 90 km au nord-ouest.

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Deux bateaux abandonnées là ou se situait la mer d'Aral, au Kazakhstan.

Youssoup Kamalov, 64 ans, un corpulent chercheur en énergie éolienne à l’Académie des sciences d’Ouzbékistan, préside l’Union pour la défense de la mer d’Aral et de l’Amou-Daria. Son père fut un historien réputé, et son grand-père le dernier khan (chef) élu de la République semi-autonome de Karakalpakie, avant que l’Union soviétique ne l’absorbe, dans les années 1930.

Son pays ne dispose encore d’aucune ferme éolienne, mais Kamalov se passionne toujours autant pour son métier. Il a même construit deux deltaplanes, qu’il utilise en s’élançant du haut d’une colline pour mieux comprendre les courants aériens. « Je veux connaître le vent comme un oiseau », dit-il. Sa curiosité englobe tous les problèmes environnementaux : il souhaite me dévoiler les vestiges de ce qui fut une immensité d’eau grouillante de vie et – aspect plus inquiétant encore – les conséquences de son retrait.

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