Le philosophe François Jullien publie un passionnant Lexique euro-chinois. Il nous présente ici sept « correspondances », fondamentales pour comprendre comment 1,3 milliard d’humains voient le monde.
C’est comme une table de correspondance. À gauche : les grandes notions de la pensée européenne. À droite : leurs équivalents dans la pensée chinoise. Une sorte de dictionnaire, aussi soucieux d’expliquer que de mettre en valeur la différence.
Par exemple, la rationalité européenne, dont nous nous glorifions tant, est fondée sur l’idée de « causalité » : un effet est dû à une cause. La Chine, elle, pense en termes de « propension » : un objet donné aura tendance à évoluer d’une façon donnée. Causalité ou propension : voilà l’écart, en apparence bénin, mais en réalité très profond, où se joue la différence entre deux visions du monde. Avec son « Lexique euro-chinois », François Jullien permet au lecteur non spécialiste la saisir avec une précision fascinante.
François Jullien est une figure singulière dans la philosophie française. Normalien, agrégé, il décide en 1975 de partir en Chine pour y apprendre non pas le maoïsme, comme c’était la mode à l’époque, mais la pensée chinoise classique.
D’une immense érudition, maîtrisant les grands textes de l’empire du Milieu, il aurait pu se contenter d’être un passeur entre deux civilisations aussi puissantes qu’ignorantes l’une de l’autre. Il a fait encore mieux : cette connaissance de la Chine, il n’a cessé de la retourner vers l’Europe et de s’en servir pour mettre à jour les présupposés de la pensée occidentale. On ne trouvera rien chez lui qui ressemble à de l’exotisme ou de l’orientalisme ; le dialogue entre les deux façons de penser est immédiatement égal, et au profit des deux parties.
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François Jullien, De l’Être au Vivre. Lexique euro-chinois de la pensée, Collection Bibliothèque des Idées, Gallimard