Au pays du bonheur national brut, tout s’est mal terminé pour les réfugiés népalais (des Lhotshampas) qui y avaient trouvé asile depuis le XVIIIe siècle – mais surtout au XXe – pour construire des forts et des monastères et pour développer le royaume himalayen. Bien qu’intégrés dans cette patrie d’« adoption », ils ont été contraints par les autorités bhoutanaises, dans les années 90, à revenir au Népal pour se retrouver dans des camps. Impossibles à « bhoutaniser », ces hindous, dont la puissance prenait de l’ampleur, n’eurent pas d’autre choix que de s’en aller.
Des dizaines de milliers de personnes d’origine népalaise ont fui le Bhoutan dans les années 90. Elles ont trouvé refuge dans des camps gérés par l’ONU au Népal. Près de cent mille ont été réinstallées à l’étranger, principalement en Amérique. Un reportage multimédia de Sabine Verhest, envoyée spéciale au Népal.
« Je n’ai aucun avenir ici. Rien. » Oma Sanwar, 16 ans, fait la moue. Elle a le regard franc, un peu froid. Pas un cheveu ne dépasse de sa coiffure, retenue vers l’arrière par un ruban rouge. La jeune fille, en chemin pour l’école, est tirée à quatre épingles dans son uniforme bleu et blanc. Son horizon n’a jamais dépassé les limites du camp de réfugiés bhoutanais où elle est née au sud-est du Népal. De sa vie passée à Beldangi, où vivent près de six mille enfants comme elle, Oma ne retient rien de particulier – la vie comme elle va, la vie comme elle passe. « Je suis réfugiée, c’est tout. Je ne me sens ni népalaise ni bhoutanaise. » Elle hausse les épaules. « Je ne sais pas ce que je suis. » Puis ses lèvres légèrement maquillées de rouge esquissent un sourire. « Si, je sais ce que je suis, en fait : une future Américaine. Je n’attends plus que la date de mon départ. » Oma s’envolera pour l’Ohio où s’écriront les pages de sa vie adulte.
https://youtu.be/s2kU3cTpsSA
Le destin de ces Bhoutanais d’origine népalaise, exilés des contreforts de l’Himalaya dans les années 1990, n’a connu que peu de retentissement au-delà de la scène régionale. Comme si tout s’était passé en douceur : la fuite du pays du bonheur, l’exil dans la plaine népalaise, la nouvelle vie au-delà des mers – en Amérique, en Océanie, en Europe. « Le Bhoutan a réussi à contenir la situation sans l’internationaliser. L’établissement de camps au Népal s’est fait sans attention majeure de la communauté internationale. Et, à nouveau, le problème est en train d’être résolu tranquillement sans que la communauté internationale ne le sache très bien », constate Shinji Kubo, le représentant du haut commissariat pour les réfugiés de l’ONU (HCR) à Damak.
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