« The Look of silence » est un film documentaire du réalisateur américain Joshua Oppenheimer. Auteur de films engagés, il traite avec sa dernière création sortie en 2014, des massacres en Indonésie il y a 50 ans. The Look of Silence étaie en compétition officielle au festival international du film de Venise en 2014 où il reçoit le Grand prix du jury et le Prix FIPRESCI.
À l’occasion de la sortie de The Look of Silence, qui revient une nouvelle fois, trois ans après la sortie de « The Act of Killing », sur le massacre de près d’1 million d’Indonésiens par le régime de Suharto survenu en 1965, rencontre avec le cinéaste Joshua Oppenheimer.
En 1965 en Indonésie, le régime de Suharto massacre près d’ 1 million de ses citoyens sous prétexte de lutte contre le communisme. Après cinquante ans de silence, les documentaires The Act of killing et The Look of silence (sur les écrans cette semaine) brisent l’omerta de tout un pays. Entretien avec leur réalisateur, Joshua Oppenheimer.
Pourquoi deux films ?
Dès le départ, j’avais l’intention de réaliser ces deux films en diptyque. Le jour où j’ai vu deux bourreaux rejouer leurs tueries en exprimant de la fierté, sur le lieu même où ont été massacrées 10 500 personnes, ce jour-là a été fondamental pour moi. Je me suis demandé si ces deux individus frimaient juste devant moi ou s’ils auraient eu le même comportement seuls entre eux. J’ai dû abandonner l’idée confortable que ces individus étaient des monstres, des psychopathes, et mesurer qu’ils étaient les exécutants d’un système politique. Cette monstruosité collective était le produit d’une idéologie. J’ai réalisé que l’Indonésie, c’était comme si j’étais en Allemagne aujourd’hui et que je constatais que les nazis sont toujours au pouvoir et comme si le reste du monde avait célébré ou était resté indifférent à la Shoah. Les évènements de 1965 en Indonésie, c’est un crime de masse, une atrocité commise au nom de la lutte anticommuniste. Dans cette partie du sud asiatique, le fascisme n’est pas l’exception monstrueuse à la règle, il est la règle. Dès lors, je voulais étudier cette question, y passer le temps qu’il faudrait, faire ces deux films.
Le premier était flamboyant et consacré aux récits des bourreaux. Celui-là est consacré à ce que ça fait de vivre pendant cinquante ans dans le déni d’un massacre de masse, sous un régime qui a perpétré les tueries, et avec pour voisins les familles des tueurs. Je voulais filmer ce silence douloureux, induit par la peur de s’exprimer.
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