Maîtres de boxe et négociants du XIXe siècle en Chine du Nord

Les compagnies d’escorte au service des marchands du Shanxi

Gravure sur bois de la province de Shanxi

Cet article nous emmène sur les traces des biaoju en Chine du Nord. Le biaoju est un établissement qui fournit des services tels que des escortes, des gardes du corps, le transport armé de marchandises (armé) contre le paiement d’une taxe.

Sources écrites & sources orales

Chine, Shanxi

La province du Shanxi.

Les compagnies d’escorte, biaoju 镖局, seraient-elles parmi les phénomènes socioculturels qui ont, au cours du xixe siècle, participé à l’évolution technique et à la modification du processus de transmission des pratiques martiales du Shanxi, en particulier des écoles de Xinyiquan 心意拳/Xingyiquan 形意拳 ? C’est en tout cas une des hypothèses qui se dégage des différentes recherches menées sur le sujet, et qui fait l’objet d’une étude de cas approfondie dans mon travail de thèse consistant à analyser les relations qui s’établissent entre les maîtres-escortes et le monde du négoce en Chine du Nord. Il s’agit de comprendre dans quelles mesures l’apparition formelle des compagnies en relation étroite avec les Jinshang, 晋商, les marchands du Shanxi, aurait pu influencer cette boxe, jusqu’alors structurée sur un processus de transmission orale et familiale, sinon clanique, shizu 氏族.

[…] L’ethnologue s’intéresse surtout à ce qui n’est pas écrit, non pas tant parce que les peuples qu’il étudie sont incapables d’écrire, que parce que ce à quoi il s’intéresse est différent de tout ce que les hommes songent habituellement à fixer sur la pierre ou sur le papier. (Claude Lévi-Strauss, 2003 : 39)

Comme toute recherche qui concerne les périodes historiques, une question se pose cependant : qu’en est-il des archives à ce sujet ? Les études déjà menées par les historiens sur les compagnies d’escorte et leurs pratiques indiquent, en effet, une carence importante d’éléments dans les archives impériales et les sources primaires écrites qui ont pu être interrogées jusqu’à présent (cf. Li Jinlong, Liu Yinghai, Qingdai biaoju yu Shanxi wushu, 2007). La raison à cela relève, à mon sens, de l’oralité tenace à travers laquelle s’organise la logique de transmission d’une pratique martiale au sein des différents groupes de la communauté du wulin. Les compagnies d’escorte ne semblent naturellement pas avoir échappé à cette logique. Néanmoins, on ne saurait, pour autant, écarter ce qu’il pourrait y avoir de consigné à ce sujet, et notamment les évènements qui pourraient être mentionnés dans les monographies locales (difangzhi 地方志) et les registres familiaux (jiapu 家谱). Mais la mémoire des maîtres contemporains et de leurs disciples, héritiers d’un savoir-faire vivant né d’un phénomène culturel et social disparu, peut-elle se constituer comme une source primaire légitime et historiquement exploitable ? La méthode ethnographique auprès des descendants et des héritiers actuels des pratiques des escorteurs du Shanxi peut-elle compléter les sources documentaires ?

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