Katsushika Hokusai (葛飾 北斎, 1760-1849) est aujourd’hui l’artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. Son œuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement ses estampes de paysages, synthèse remarquable entre les principes traditionnels de l’art japonais et les influences occidentales. Conçue en deux volets, l’exposition présente 500 œuvres exceptionnelles, dont une grande partie ne quittera plus le Japon à compter de l’ouverture du musée Hokusai, à Tokyo en 2016.
Le parcours suit la chronologie de la longue vie de Hokusai, ponctuée de multiples changements de noms. La densité des salles d’exposition et des différents types d’œuvres qui y sont présentées est relative à celle de la production de l’artiste aux différentes périodes de sa vie.
Hokusai et la France
La première salle de l’exposition aborde l’œuvre de Hokusai par le biais de la réception qui en fut faite en France dans la seconde moitié du XIXe siècle ; elle constitue en cela une introduction au parcours monographique qui se déroule ensuite, revenant sur le profond choc culturel que constitua pour les Occidentaux la découverte de l’art japonais à partir de la fin des années 1850. C’est la découverte d’un volume des Manga de Hokusai par Félix Bracquemond qui marque le début de l’engouement pour Hokusai. Dans son sillage, peintres et dessinateurs trouvent dans ces dessins saisissants de vie, comme dans les Trente-six vues du mont Fuji, un vocabulaire nouveau à étudier, à copier, à transposer dans leurs propres réalisations.
Période Shunrō (1778-1794)
Loin des œuvres iconiques des années 1830, la jeunesse de Hokusai, né à Edo – actuelle Tokyo – en 1760, est mal connue. Il commença vraisemblablement à graver, à l’âge de quinze ans, des planches pour la fabrication des estampes dans cette ville alors en pleine croissance. C’est en 1779, alors qu’il entre dans l’atelier de Katsukawa Shunshō, célèbre pour ses portraits d’acteurs de kabuki, que le jeune Hokusai se lance dans une carrière de dessinateur sous le nom de Katsukawa Shunrō. S’ensuivent d’intenses années de formation au cours desquelles il produit quantité d’estampes commerciales à bon marché. Il illustre aussi, déjà, divers types de livres imprimés, se révélant sensible à l’influence de dessinateurs de différentes écoles.
Période du style Sōri (1794-1805)
À partir de 1794, date à laquelle Hokusai adopte le nom de Sōri, on constate une métamorphose rapide et radicale dans le style du jeune artiste. Son activité se concentre alors autour des egoyomi, calendriers illustrés, et des surimono, gravures en une seule feuille destinées à un usage privé. Hokusai bâtit sa réputation sur ces œuvres luxueuses et raffinées, mais également sur sa capacité à illustrer le genre à la mode des kyōka ou poèmes-bouffes. Maniant le pinceau avec une assurance nouvelle, l’artiste produit par ailleurs un nombre de peintures nettement plus important. En 1798, Hokusai change à nouveau d’identité et s’installe comme artiste indépendant, tout en perpétuant pour quelques années encore ce style Sōri qui l’a fait connaître de ses contemporains.
Période Katsushika Hokusai (1805-1810)
Choisi en hommage à l’étoile Polaire qu’il vénère tout particulièrement, le nom Hokusai est décliné de plusieurs manières par l’artiste et c’est au cours de cette courte période comprise entre 1805 et 1810 qu’il passe du nom de Hokusai le « Fou de peinture » à celui de Katsushika Hokusai. Sous cette nouvelle identité, il apporte une contribution majeure au genre des livres de lecture (yomihon), fictions longues aux intrigues épiques et fantastiques, ce qui révèlent sa forte capacité d’invention et sa virtuosité dans le maniement de l’encre de Chine. Dans sa peinture évolue alors la beauté gracieuse de la période Sōri, tandis que ses estampes témoignent d’un esprit et d’un humour caractéristiques de son art.
Hokusai manga (1814-1878)
Fait exceptionnel, une salle entière est consacrée dans le parcours à Hokusai manga, ces « dessins divers » compilés par Hokusai à compter de 1814. Suivi par un nombre croissant d’admirateurs dispersés dans tout le pays, sollicité par des disciples de plus en plus nombreux, l’artiste conçoit à partir de 1810 des manuels à l’usage des artistes et des artisans. Publiés en quinze carnets, les Hokusai manga constituent une prouesse dans le genre, rassemblant plus de trois mille neuf cents dessins d’une étonnante variété, qui apparaissent encore aujourd’hui comme une encyclopédie du vivant et de la vie quotidienne du Japon de l’époque d’Edo.
Période Taitō (1810-1819)
Ayant atteint l’âge de cinquante ans, Hokusai s’éloigne de la production des livres de lecture (yomihon) et se consacre davantage à la réalisation de manuels de peinture (etehon), qui témoignent de son ambition à faire connaître son art à un public aussi large que possible. Alors que paraît en 1814 le premier carnet des Hokusai manga, sa production d’estampes et de peintures diminue. Il n’en crée pas moins des œuvres importantes dans ces deux domaines sous la signature Taitō, parmi lesquelles de minutieuses vues aériennes de sites célèbres.
Période Iitsu (1820-1834)
C’est au cours de la période Iitsu que Hokusai réalise ses œuvres les plus célèbres, se consacrant essentiellement à la conception de ces fameuses « estampes du monde flottant » (ukiyo-e). Naissent alors les grandes séries qui feront ensuite sa célébrité, au premier rang desquelles les Trente-six vues du mont Fuji. C’est surtout la manière dont Hokusai se dégage des contraintes du genre qui fait la modernité de ses grands ensembles : contrairement aux usages, les estampes de paysage conçues par Hokusai ne s’appuient pas sur des sites clairement identifiables, illustrant davantage les métamorphoses du motif choisi. La période Iitsu se caractérise aussi par un regain d’activité dans le genre du surimono, ainsi que par l’originalité et la force de ses peintures.
Période Gakyō Rōjin Manji (1834-1849)
Hokusai utilise pour la première fois la signature Gakyō Rōjin Manji – « Manji, le Vieil Homme fou de peinture » – en 1834. Dans la postface des Cent vues du mont Fuji, déclarant vouloir vivre plus de cent dix années afin de parvenir à son plein accomplissement artistique, il démontre que son implication dans son travail reste totale. S’éloignant progressivement du monde de l’estampe, il se consacre plus largement à la peinture, illustrant surtout le monde animal et végétal ou des sujets religieux. Il meurt en 1849, à l’âge de 89 ans, au terme d’une vie entière dédiée à son art. (Source : Grand-Palais)
Voir aussi « Le Japon d’Hokusai ou la Révolution du Levant ».
Glossaire indicatif
- e-dehon ou edehon : manuel d’illustrations pour artistes et artisanse-goyomi ou egoyomi : calendrier japonais sous forme d’estampe, qui servait à indiquer les mois longs et les mois courts de l’année
- e-hon ou ehon : livre illustré
- emaki : rouleau horizontal illustré
- gōkan : récits populaires illustrés, romans longs au contenu sophistiqué
- haikai ou haiku ou haïku : forme poétique très codifiée ; poèmes courts de dix-sept syllabes
- hanshita-e : dessin définitif, préparatoire au processus de la gravure
- kachō-ga : genre synonyme de « peintures de fleurs et d’oiseaux »
- kakemono : rouleau peint suspendu
- kempon : soie
- kibyōshi : « couverture jaune » ; genre de petits romans illustrés bon marché
- kyōgōzuri : première épreuve en noir et blanc utilisée pour la gravure des planches de couleur
- kyōka : « poème fou » ; genre poétique, désignant des poèmes de nature humoristique
- manga : « croquis divers » ou « dessins divers »
- nishiki-e : « image de brocart » ou estampe polychrome
- shihon : papier
- surimono : estampe de luxe imprimée en tirage limité, souvent utilisée comme carte de vœux
- uchiwa-e : estampe ou dessin destiné à être monté sur un éventail
- uki-e : estampe faisant appel à la perspective occidentale
- ukiyo-e : « images du monde flottant » ; mouvement artistique japonais de l’époque Edo
- yomihon : « livre à lire » ou « livre de lecture »
Chronologie du Japon à l’époque d’Hokusai
- Époque d’Edo (1603-1868)
- Ère Hōreki (1751-1764)
- Ère Meiwa (1764-1771)
- Ère An’ei (1772-1781)
- Ère Tenmei (1781-1789)
- Ère Kansei (1789-1801)
- Ère Kyōwa (1801-1804)
- Ère Bunka (1804-1818)
- Ère Bunsei (1818-1830)
- Ère Tempō ou Tenpō (1830-1844)
- Ère Kōka (1844-1848)
- Ère Kaei (1848-1854)
Horaires de l’exposition
- 1er octobre – 20 novembre 2014, puis 1er décembre 2014 – 18 janvier 2015 : 10 h – 20 h
- Lundi : 10 h – 22 h
- Mercredi, jeudi et vendredi : 9 h – 22 h
- Samedi : 9 h – 20 h
- Le Grand Palais est fermé le mardi.
- Vacances scolaires : tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 22 h. Nuit blanche (4 octobre) : ouverture gratuite de l’exposition de 20 h à minuit. Fermeture anticipée de l’exposition le mercredi 8 octobre à 20 h au lieu de 22 h. L’exposition est fermée du 21 au 30 novembre 2014 pour cause de rotation technique des œuvres les plus fragiles. Le Grand Palais est fermé le 25 décembre.