Nous vous emmenons dans le centre de la France à la découverte du Musée des arts d’Afrique et d’Asie. Situé à Vichy, il propose des collections et des expositions dignes d’intérêt. Nous nous sommes entretenus avec Marie-Line Therre, en charge du musée.
Le musée
Beaux-arts, photographie, art sacré, ethnographie, création contemporaine… Le tour du monde au musée !
Le Musée des Arts d’Afrique et d’Asie, musée de France, fait partie de l’Association de la Maison du Missionnaire, association loi 1901, créée en 1922 et reconnue d’utilité publique en 1928. En 1922, l’association fut créée afin d’accueillir missionnaires, religieux, religieuses et séminaristes séjournant à Vichy et suivant une cure thermale ou venant prendre du repos.
À l’origine, en 1922, le musée avait pour vocation d’exposer les objets acquis par les missionnaires dans leurs terres de missions. Le premier directeur de la maison du missionnaire, Henri Watthé, ancien missionnaire dans le Jiangxi en Chine entre 1900 et 1914, donna ses collections chinoises. Le deuxième directeur Alphonse Aroud après 1945 fit de même. Entre 1922 et 1940, l’essentiel des collections fut constitué. Des donations et des legs vinrent diversifier le fonds. C’est toujours le cas aujourd’hui.
Le musée a été entièrement réhabilité en 2002 avec un nouveau projet muséographique, l’inventaire des collections, la création d’une réserve. L’objectif premier est de présenter les différentes formes d’arts des civilisations.
Les collections du Musée illustrent la diversité des expressions artistiques traditionnelles asiatiques et africaines : arts premiers, archéologie, arts décoratifs, ethnographie, musique, photographie. Les pays principalement représentés sont la Chine, le Viêt Nam, le Laos, le Cambodge, la Syrie, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin, la R. du Congo, Madagascar…
5 000 objets — un fonds photographique d’environ 1 000 visuels — une bibliothèque créée à partir de 1922.
Le propos est d’inviter à prendre conscience de la diversité sociale et culturelle de l’humanité, mais aussi d’interroger les relations passées et présentes entre l’Europe et les autres continents du point de vue de l’histoire, de l’histoire de l’art et de l’anthropologie.
L’exposition de référence traite du patrimoine artistique des cultures. Les expositions temporaires s’actualisent par la création contemporaine. Concrètement par des rencontres avec des collectionneurs, des regards de photographes, des travaux d’artistes, des études sur les cultures urbaines.
Situé dans le quartier thermal, le musée est installé depuis sa rénovation en 2002 dans l’ancien laboratoire de la qualité des eaux de Vichy, réalisé en 1881 par l’architecte Vianne, de style Belle Époque.
- Du 4 mai au 31 octobre 2013 du mardi au dimanche de 14 h à 18 h.
- Tarif 4 € ; entrée gratuite jusqu’à 18 ans.
- Tarif groupe adulte 3 € ; tarif scolaire 2 € ; gratuité pour les accompagnateurs.
- Pour les groupes, visites guidées et animations pédagogiques sur réservation du 4 mai au 31 octobre 2013 du mardi au dimanche de 9 h à 17 h.
- Contact : Marie-Line Therre, chargée des collections et des expositions.
Musée des arts d’Afrique et d’Asie
16 avenue Thermale 03200 Vichy
04 70 97 76 40
Le Japon amoureux.
Collections particulières
Les objets, statuettes, armure de samouraï, butsudan, les parures de la beauté féminine… racontent une vision particulière du monde.
D’un monde à l’autre.
1830, Edo, ville des shoguns, les chefs militaires gouvernent le pays. Depuis 2 siècles, le Japon est fermé au reste du monde. Le pays est en paix, les villes prospèrent, la classe des marchands acquiert richesse et prestige. Une culture populaire, urbaine, axée sur le divertissement, s’épanouit. À Edo, deux lieux à part attirent les bourgeois en quête de distractions : le quartier des théâtres et le quartier des plaisirs, le Yoshiwara. Les lumières d’Edo éclairent tout particulièrement l’acteur de Kabuki et la geisha. Personnages d’artifices dans ce monde flottant, jouant avec les illusions des spectateurs.
Ce monde est-il un songe ou une réalité ?
Est-ce ici ou est-ce ailleurs ?
Je ne sais plus qui je suis.
Je ne sais plus si j’ai rêvé que j’étais un papillon
Ou si le papillon a rêvé qu’il était moi.Le dernier vol des papillons, Chô no michiyuki.
L’estampe est le média du XIXe siècle
Les estampes annoncent les représentations théâtrales, vantent les mérites des maisons de thé, parodient les textes classiques. Pour les citadins collectionneurs, les images conservent le souvenir de leurs divertissements et de leurs vedettes.
Les estampes et la littérature classique
Les poèmes des estampes du XIXe siècle datent principalement de l’époque Heian (794-1185). C’est l’âge d’or de la culture japonaise, avec une vie de cour raffinée et ses grandes dames de la littérature. L’utilisation de l’écriture chinoise, officielle dans l’administration est alors interdite aux femmes. Les écrivaines perfectionnent le syllabaire japonais, le hiragana.
Les estampes parodiques sont populaires à Edo (ancien nom de Tokyo)
Les artistes adaptent les textes anciens au goût du jour et remplacent les personnages par les célébrités du moment.
C’est une culture ludique où un rébus, un symbole végétal, un blason permettent d’identifier la personne représentée.
Les estampes de courtisanes et de geishas.
Beaucoup sont des portraits individualisés, la geisha ou la courtisane de haut rang est identifiable. Les estampes témoignent de l’importance de leur rôle dans la diffusion du discours esthétique du monde flottant.
Les femmes des estampes.
Les artistes s’intéressent à la Femme, de la jeune fille à la femme active, des princesses médiévales aux geishas des maisons de thé.
La sensibilité du trait donne vie aux courbes gracieuses des femmes, à la délicatesse d’un sourcil, aux savants plissés d’un kimono. Le trait noir détache dessin et surface, les femmes flottent.
Les peintures des femmes Mithila
Inde du Nord, État du Bihar, région de Mithila.
Donation Jean et Monique Saucet, 2013.
Jean Saucet, critique et auteur de livres d’art, découvre les peintures Mithila dans les années 1970. Leur inventivité formelle, leur symbolique ancestrale sont un choc esthétique.
La donation de 10 peintures Mithila accompagne aujourd’hui la mission du musée : faire connaître la diversité culturelle, dans les arts et la pensée.
L’art Mithila appartient à la culture traditionnelle de l’Inde, à ses communautés dites tribales et paysannes. Depuis 3 000 ans, les femmes Mithila – et seulement les femmes ! – peignent. Cette tradition est le fruit de leur éducation. Chaque dessin est un rituel religieux, une entrée en méditation pour inviter le dieu et s’attirer sa protection. Les peintures, éphémères, ornaient autrefois les murs des maisons, lors des mariages et autres cérémonies.
La peinture Mithila comme art contemporain, est née pendant la crise économique qui frappa l’Inde en 1966–1968. Afin de créer de nouvelles ressources, la All India Handicrafts Board, fondation de conseil sur l’artisanat indien, encouragea les artistes femmes à peindre sur des supports papier. Spécialistes et collectionneurs s’intéressèrent à la diversité des styles et des sensibilités. Longtemps oublié dans l’histoire de l’art indien classique, l’art Mithila connaît désormais une juste réhabilitation.
Yves Véquaud est le spécialiste des peintures Mithila. Il est à l’origine de la première exposition Mithila au musée de l’Homme puis au musée des Arts décoratifs en 1975 à Paris. L’art du Mithila est son ouvrage de référence.
Les peintures sont peintes avec des couleurs dérivées de minéraux ou de plantes naturelles. Des bâtonnets de bambou, des fils de soie servent de pinceau. Les couleurs dynamiques renvoient à l’intensité des couleurs de l’Inde, sa lumière et ses paysages.
Les peintures Mithila sont citées dans le Ramayana, grand texte fondateur de l’identité indienne. Le roi Rama et son épouse Sita personnifient le couple idéal et le mariage heureux. Ils sont le modèle des contes et des romans d’amour indiens. Il est naturel de les retrouver sur les murs de la chambre nuptiale.
On remarque aussi Krishna, incarnation de Vishnou. Krishna est le thème favori des femmes du Mithila, il représente l’amour.
À l’origine, sur les murs des maisons, les thèmes illustraient les croyances du Tantrisme. Des motifs graphiques symbolisaient la fertilité : comme le linga, représentation du phallus et le yoni, représentation traditionnelle du sexe féminin.
L’Hindouisme, religion de 80 % des habitants de l’Inde, a progressivement transmis son iconographie de dieux et de déesses. Les peintures sont devenues narration.
Les peintures Mithila sont identifiables par les codes de représentation : par exemple, les visages de profil ont l’œil de face.
2013 Le fonds du musée.
Carnets de collections
Les œuvres d’art sont les ambassadeurs de leur culture, ils vous invitent à découvrir d’autres pays, d’autres histoires, d’hier et d’aujourd’hui. En écho à l’exposition sur le Japon, une salle sera consacrée au Japonisme ou l’influence des arts japonais sur l’art et le goût français à la fin du XIXe siècle. Les estampes, comme celles présentées dans l’exposition Le Japon amoureux, contribuèrent à la découverte de la culture japonaise. Dans les salons Napoléon III, porcelaines, bronzes, cloisonnés et tissus invitaient au voyage oriental.
Entretien avec Marie-Line Therre
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Quel est votre rôle au sein du Musée des arts d’Afrique et d’Asie ?
J’ai suivi une formation classique en histoire de l’art à l’université Lyon 2 et un master 2 en gestion culturelle.Je suis passé par quelques musées et fait de la médiation culturelle pour différents publics avant d’arriver au musée de Vichy. C’est pourquoi la dimension pédagogique est essentielle pour moi, car les cultures abordées au musée sont parfois complètement inconnues ou fantasmées par les visiteurs.
De 2000 à ce jour, je dirige le musée des arts d’Afrique et d’Asie, situé à Vichy et labellisé musée de France. J’ai d’abord coordonné le projet culturel et scientifique de ce nouveau musée, issu de collections extra-européennes rapportées par des missionnaires et des particuliers vers 1920, environ 5 000 objets et spécimens. Le musée a été inauguré en 2002.
Ma mission est désormais d’intégrer ce bel outil de connaissance et d’ouverture sur le monde dans la vie culturelle régionale, et ce à travers différentes missions : inventaire et conservation des collections, création d’expositions temporaires, médiation culturelle…
Le MAAA se situe dans une ville moyenne du centre de la France. Est-ce un handicap ?
Le musée fait partie de la vie de la cité, il accueille les scolaires et les centres de loisirs ainsi que les associations culturelles lors de visites guidées. Tout le monde le connaît et il est devenu un bel outil pédagogique pour la découverte des civilisations extra-européennes.
Vichy est aussi une destination touristique et une station thermale, nous recevons donc des visiteurs de différentes régions. Donc pas de réels handicaps si ce n’est d’être éloigné physiquement des lieux culturels traitant du même sujet.
Éprouvez-vous des difficultés face aux grands musées traitant de la même thématique, comme le musée Guimet et les musées asiatiques de Nice et Biarritz ?
Le fait d’appartenir à un petit réseau spécialisé sur l’Asie permet de faciliter les échanges et les contacts. Les grands musées comme le musée Guimet sont des pôles d’excellence et de documentation. De plus, la possibilité d’obtenir des prêts de leur part comme avec le musée du Quai Branly en 2008 ou le musée Guimet en 2012 est une grande chance. Les prêts d’établissements prestigieux augmentent notre visibilité auprès du public.
Qu’est-ce qui vous différencie de ces musées ?
Les grands musées possèdent certains des chefs de l’œuvre de l’humanité, nous possédons quant à nous une solide collection de référence.
Comme l’équipe est réduite, nous sommes très polyvalents, cela a forcément une incidence sur le fonctionnement du musée et les expositions proposées.
Avez-vous des échanges avec eux ?
Nous avons la possibilité d’obtenir des informations de leur part concernant l’expertise d’un objet. Ensuite grâce à la DRAC Auvergne, le conseiller musée de la région peut parfois être un relais précieux entre un petit musée et un grand, surtout en ce qui concerne les demandes de prêt.
Les collections du MAAA s’agrandissent grâce à des dons et legs. Quel est le profil des donateurs ? Se trouvent-ils principalement en Auvergne ?
Nous avons la chance d’être d’utilité publique depuis 1928. Le musée s’est constitué grâce à des dons et des legs et cela continue aujourd’hui. La majeure partie des donateurs vivent en Auvergne ou alors un Auvergnat appréciant le musée va nous présenter à une de ses connaissances hors région. Les donateurs sont souvent des personnes ayant vécu à l’étranger, des collectionneurs passionnés par leur sujet. Ces rencontres humaines sont un moteur pour le musée.
Quelle est la section la plus développée du musée : l’Afrique ou l’Asie ?
Les sections sont sensiblement équivalentes. Historiquement, les collections proviennent des pays autrefois colonisés par la France. Nous avons pour l’Asie une forte présence du Vietnam, Laos, Cambodge, c’est-à-dire l’ancienne Indochine. Par ailleurs, nous avons des collections chinoises, ce qui correspond à la présence missionnaire dans ce pays au XIXe siècle.
Que possède le musée de particulier qui mérite que l’on vienne le visiter ?
Pour l’Asie, une collection intéressante de porcelaines, mais aussi des bouddhas chinois et d’Asie du Sud-est. Quelques belles pièces de mobilier comme un butsudan, un autel domestique japonais ou un avant-lit chinois du XVIIIe siècle.
Quel est le profil des visiteurs ? D’où viennent-ils principalement et qu’apprécient-ils en particulier ?
En été, il y a des familles qui viennent en vacances à Vichy, il n’y a pas de profil type. Les visiteurs sont avant tout des curieux et des amateurs de beaux objets. Les musées restent des lieux où le contact avec le vrai bel objet peut se nouer.
Quelles sont les activités organisées par le MAAA ?
Nous répondons présents aux évènements nationaux comme les Journées du Patrimoine ou la nuit des musées. Nous organisons ensuite des visites guidées et des ateliers autour des expositions temporaires. Cette année, par exemple Maoko et Tetsuya Gotani de l’association Jana (Japon Auvergne – Nippon Auvergne) ont initié les visiteurs à l’origami et au karuta, un jeu de cartes traditionnel japonais. Enfin, la médiation en direction des scolaires est très développée.
Le MAAA possède une bibliothèque. Quels types d’ouvrages y trouve-t-on ?
La bibliothèque appartient à l’association de la Maison du Missionnaire, propriétaire du musée. À partir des années 1920, des ouvrages d’ethnologie ont été rassemblés, il y a notamment la belle collection d’Henri Doré sur les croyances religieuses en Chine.
Quels sont vos projets ?
Nous continuons l’étude des collections, si l’inventaire rétrospectif des oeuvres est terminé, il reste de nombreuses inconnues sur l’identification de certains objets. Ensuite, nous proposerons dès l’année prochaine d’autres expositions temporaires. Leur thématique doit Ítre prochainement finalisée.
Entretien réalisé par Pascal Marion le 28 août 2013