Passionnée d’art contemporain japonais, Valérie Douniaux travaille à promouvoir la peinture grâce à son site et aux expositions qui permettent de découvrir une autre facette artistique du pays du Soleil levant.
Pouvez-vous vous présenter aux visiteurs de Terres d’Asie ?
Passionnée par l’art et la culture du Japon, je suis l’auteur d’une thèse d’histoire de l’art sur « Les artistes japonais en France à partir de 1945 ». Ce travail m’a permis de rencontrer de nombreux artistes, et m’a donné envie de participer activement à la diffusion de l’art japonais en France, surtout de l’art contemporain japonais, finalement assez mal connu.
Parlez-nous d’Art contemporain du Japon. Quelles sont vos activités ?
Art contemporain du Japon est le site de l’association que j’ai créée : Japon-Création. Le site propose de découvrir le travail d’artistes contemporains japonais, pour la plupart installés en France, et diffuse l’actualité des expositions et animations liées à la culture du Japon en France. Les visiteurs peuvent s’abonner à la lettre d’information, qui les tient au courant des événements à ne pas manquer.
Mis à part au développement du site, l’association s’attache à la présentation de l’art et de la culture du Japon en France, en organisant des expositions, en favorisant les rencontres entre passionnés…
Travaillez-vous en collaboration avec des associations japonaises ?
Japon-Création travaille en collaboration avec l’Association des Arts Franco-Japonais, basée à Tôkyô, pour le projet d’exposition Glumo-Yoco Sato. En France, nous échangeons beaucoup d’informations avec la très dynamique association KanjiOnline (du site du même nom) et espérons pouvoir développer à l’avenir des projets communs. Nous apprécions également la démarche de l’association lilloise Japon et Culture.
« Silent Forest » de Yaco Sato.
En France, quelle image a-t-on du Japon en général et de l’art japonais en particulier ?
Pendant longtemps, la confusion a régné entre art japonais et chinois. Et souvent, on ne connaissait de l’art du Japon que les estampes ou les mangas. Les choses commencent à se clarifier. Le public est mieux informé et on sent un réel intérêt vers cette culture si lointaine. Je regrette cependant que la présentation de l’art japonais reste souvent cloisonnée, et que les organisateurs d’événements ne s’attachent qu’à un seul aspect de la culture japonaise : la tradition, ou la culture pop manga. Mon association essaie de montrer qu’il y a de nombreuses choses passionnantes entre ces extrêmes.
Quel genre de public vient aux expositions ? Qu’est-ce qui l’intéresse particulièrement et quelles sont ses impressions ?
Le public est très vaste, de tous âges et de tous milieux. Les jeunes semblent particulièrement s’intéresser au Japon. En général, lors de nos expositions, le public est d’abord étonné, car il ne retrouve pas forcément chez les artistes présentés les clichés rassurants qu’il connaît de la culture japonaise. Mais une fois la surprise passée, les réactions sont généralement très bonnes, avec des témoignages d’intérêt réel.
La culture japonaise est-elle bien représentée en France ? Est-elle surtout circonscrite à Paris ?
Presque tous les artistes japonais installés en France vivent à Paris ou dans le sud de la France. Jusqu’à il y a encore un an ou deux, la plupart des événements avaient lieu à Paris, c’est vrai. Mais depuis quelque temps les provinces montrent un intense dynamisme. Je suis moi-même originaire de la région de Lille, où les projets se multiplient, favorisés en outre cette année par la perspective de Lille 2004, capitale européenne de la culture. De nombreux artistes japonais de renom participent à l’événement : Keiichi tahara, Yayoi Kusama…
Le site de mon association me permet de vraiment me rendre compte des efforts fournis dans les régions. Les mails viennent de toute la France. Il y a des passionnés partout, et un site comme Art contemporain du Japon favorise leur rencontre et la diffusion des informations.
Quels sont les artistes en vue et ceux qui, selon vous, sont promis à un bel avenir ?
Les artistes dont on parle le plus sont ceux qui développent une esthétique pop et ludique, très accessible, comme Murakami. Personnellement, je ne mets pas de barrière, et peux aussi bien m’intéresser à un artiste abstrait ou figuratif, à un céramiste comme à un peintre… le tout est que son travail me touche, que sa démarche m’intéresse. Je pense que la sélection d’artistes de mon site reflète mes goûts personnels. J’apprécie spécialement le travail de Takesada Matsutani, de Shigeko Hirakawa
« Cercle » de Matsutani.
Pour celui qui veut investir dans l’art contemporain japonais, quels sont les prix pratiqués sur le marché ?
Les prix sont extrêmement variables, suivant le degré de reconnaissance de l’artiste, et suivant les variations du marché. Vous pouvez vous procurer de très belles œuvres à des prix raisonnables. Par exemple, les gravures de Shigeki Kuroda, que nous présentons actuellement à Lille, restent à des tarifs assez bas (entre 70 et 230 euros), car cet artiste, bien que reconnu dans son pays, aux États-Unis ou encore en Allemagne, n’avait jamais eu d’exposition en France avant 2003. Les œuvres de jeunes artistes sont aussi la plupart du temps assez bon marché. Par contre, certains créateurs comptent parmi les plus en vue du moment, tel Murakami ou Kusama (qui aurait demandé plus de 60 000 euros pour imaginer l’une des œuvres qui seront exposées en extérieur pour Lille 2004). D’autres, même si leur côte fluctue, sont considérés comme des artistes importants dans l’histoire de l’art d’après-guerre. Je pense notamment à toute la génération de Japonais qui est venue s’installer à Paris au début des années cinquante : Sugaï, Imaï, Kitô…
Êtes-vous déjà allée au Japon ?
Je suis allée six fois au Japon, pour des séjours de deux à cinq semaines. Cinq fois en été et une fois en hiver. J’aime beaucoup ce pays qui, malgré toutes les études que j’avais pu faire à son sujet, m’a surprise et m’offre encore de passionnantes découvertes. J’apprécie l’amabilité des Japonais, la richesse culturelle du pays. J’adore les traditions que sont le sentô ou le onsen, la cuisine, les jardins… mais le côté un peu fou de l’ultra-modernité japonaise m’amuse aussi.
Quels sont vos projets ?
2004 s’annonce très riche en projets pour l’association. Nous recevons de plus en plus de demandes pour l’organisation d’événements liés à la culture du Japon. Nous collaborerons notamment à la mise en place d’une exposition réunissant une jeune graphiste japonaise, Yoco Sato, et deux artistes françaises créatrices d’un personnage nommé Glumo. L’exposition sera présentée à Lille, à Paris et à Tôkyô. Actuellement, et durant tout le mois de décembre, nous présentons des gravures de Shigeki Kuroda dans la nouvelle maison de thé Cha Yuan, installée Rue Saint-Jacques à Lille.
Propos recueillis par Pascal Marion le 8 décembre 2003 (article mis à jour le 1er février 2018).
Valérie Douniaux s’occupe aussi de l’accompagnement de voyageurs au Japon, pour des séjours personnalisés (2011).
Les photos illustrant l’entretien sont protégées par Copyright.